Une agriculture sans engrais ni pesticide ?

Marc Van Sinay, agriculteur à Rebecq
Marc Van Sinay lève le voile sur le bokashi, un engrais naturel, formé de matières organiques fermentées lors d’un processus alternatif au compostage.

 

Marc Van Sinay est agriculteur à Rebecq où il cultive 50 hectares en agriculture de conservation des sols, dont 20 hectares en agriculture biologique.

Marc Van Sinay en est convaincu : depuis 10 années, il ne veut plus labourer ses sols et il minimise la profondeur de travail des autres outils à cinq centimètres. « Vous avez tous une maison, vous ne voulez pas qu’on la retourne. Les vers de terre et les organismes du sol, c’est la même chose, il faut les laisser tranquille ». Et cette vie du sol le lui rendra. Pour ne citer qu’eux : les vers de terre « labourent » la terre pour lui gratuitement 24h sur 24.

Si le travail du sol est un des aspects de la gestion agricole, la question des maladies des plantes et de leur alimentation via des engrais en sont deux autres, et non des moindres.

Pour gérer les maladies, Marc Van Sinay plaide pour une augmentation de la résistance des plantes via un boost de leur immunité et une occupation du terrain par une multitude d’organismes vivants dans le sol. Pour ce faire, il épand des « EM » sous forme de 200 litres de solution mère de bactéries, champignons et levures, diluée dans 1000 litres d’eau. EM est l’abréviation anglaise de « Effective Microorganism » ou en français « micro-organismes efficaces ». Efficaces pour quoi ? Pour la vie du sol et pour l’immunité des plantes. Un peu comme dans nos intestins où les nouveaux conseils en matière de nutrition promeuvent de nourrir les bactéries de la flore intestinale afin que ces dernières nous nourrissent et boostent notre immunité.

Pour nourrir ses plantes sans engrais de synthèse (pour la partie de sa ferme gérée en agriculture biologique), Marc Van Sinay mise sur la matière organique. Elle se fait rare dans les fermes sans bétail (ce qui est le cas de Marc qui a arrêté l’élevage bovins il y a 10 ans). Les sources : les excréments d’autres animaux (vaches, cochons, volailles, chevaux). Marc utilise du fumier de bovin et de chevaux ainsi que des fientes de volailles.

Tout chaud tout frais : un arrivage de fumier des 180 chevaux de la gendarmerie dont les écuries ont été déménagées de Etterbeeck à Wisbecq. Marc Van Sinay a dû innover car, explique-t-il : « l’inconvénient de cet engrais de ferme, c’est qu’il contient trop peu de crottes proportionnellement à la paille ». Agronomiquement parlant cela se traduit par un rapport carbone / azote trop élevé empêchant les bactéries du sol de bien l’assimiler pour le transformer en engrais. Marc Van Sinay transforme alors la litière des chevaux souillée par leurs excréments, en bokashi grâce à des ferments lactiques. Notre agroécologiste en herbe continue : « Le bokashi est une idée que j’ai entendue dans une formation sur l’agroécologie et je l’ai vue pratiquée en Suisse sur YouTube. Il suffit d’épandre des micro-organismes sur le fumier qu’on recouvre d’une bâche pour éviter l’entrée d’air. En 3 mois, il se transforme en compost prêt à l’emploi. »

Né au Japon, le bokashi est un engrais naturel, formé à partir de matière organique fermentée, lors d’un processus alternatif au compostage (méthode élaborée par le Professeur Teruo Higa dans les années ‘80). L’avantage par rapport à un processus de compostage : il garde la part précieuse du carbone fermentescible pour nourrir les bactéries de son sol plutôt que les bactéries du compost.

Cultiver sans engrais de synthèse est donc possible mais a des conséquences, conclut l’agriculteur innovant de Bierghes. « S’il est vrai qu’on a environ 30% de frais de produits en moins, on déplore une perte de 50% du rendement et l’écoulement de la marchandise n’est pas assuré à tous les coups à un meilleur prix car le marché bio reste tendu et saturé ».

Cet article a été publié dans le quotidien L'Avenir du 12 septembre 2024 (édition Brabant wallon) à l'occasion de l'université d'été du CADEV.