Une conférence dont les agriculteurs sont les héros

 


Le comice agricole de Nivelles Genappe ne s’était plus réuni depuis 10 ans. Un petit groupe d’agriculteurs l'a relancé.

« En ces temps très particuliers pour notre agriculture, nous souhaitons encore nourrir l’espoir que se réunir est une des manières que nous avons d’avancer ensemble et de maintenir notre destinée entre nos mains ». C’est ainsi que commence le courrier d’invitation envoyé par le nouveau comité du comice agricole de Nivelles Genappe, pour se poursuivre en annonçant deux sujets on ne peut plus d’actualité. « Après les nouveautés et rappels important concernant la PAC, nous aurons une conférence inédite sur l’érosion imaginée suite à des discussions avec des agriculteurs. » C’est en effet chez un agriculteur de Maransart, Benoît Decoene, que l’histoire a commencé (voir ci-dessous). C’est ensuite avec le nouveau comité du comice que les choses se sont mises en place. 

Un comice agricole est une assemblée formée par les propriétaires et les fermiers d'une région pour échanger les expériences de chacun afin d'améliorer les procédés agricoles.

Avant la Révolution française, il existait des « Sociétés d’Agriculture » qui permettaient aux plus érudits de se regrouper afin d’échanger et faire fructifier les idées.

Parmi le comité : Marc Gilot, président, agriculteur à Ophain, Sophie Van Parijs, vice-présidente, agricultrice à Ittre, Hugues Sneessens, vice-président, Carl De Bie, secrétaire, ferme de la Motte à Ittre, Nicolas Mullier, agriculteur à Thines, le trésorier du comice.

Cela faisait 10 ans que le comice agricole de Nivelles Genappe ne s’était plus réuni. La PAC et le titre évocateur de la conférence auront eu raison des efforts déployés par le nouveau comité : la soirée de lundi a attiré près de 80 agriculteurs ! « Et si on faisait enfin notre vrai métier ! Débat et discussions sur la thématique de l'érosion des sols. Une conférence dont vous êtes le héros. # anticiper avant que le ciel ne nous (re)tombe sur la tête ».

Notre vrai métier ?

Ce moment de la discussion fut riche en réflexions. Après avoir listé ce qu’ils ne souhaitaient pas être (des jardiniers, des commerçants, des serfs), le débat s’est vite orienté vers la production. Certains parlaient d’efficacité qui se précisa progressivement en la notion d’efficience pour en arriver à une définition construite et acceptée par l’assemblée. Notre vrai métier c’est produire un maximum tout en préservant le potentiel de la terre, en respectant l’environnement et la biodiversité.

Des pistes de solutions

Tout au long de la soirée, des premières pistes de solutions sont discutées entre agriculteurs, conscients comme le dit un agriculteur de la salle que : « parfois on prend toutes les précautions qu’on veut, on ne sait rien y faire, l’eau coule toujours de haut en bas ». Parmi les pistes de solutions évoquées : remplacer la herse rotative par des outils de semis à disques, remplacer la charrue par un déchaumeur, augmenter la matière organique grâce aux engrais de ferme (fumier), mettre des agriculteurs consultants dans les cabinets ministériels … Benoît Decoene imagine même de semer son maïs comme une céréale, en rangs plus serrés afin de limiter l’accélération de l’eau dans la culture. Cette technique avait déjà été étudiée par le CIPF mais n’avait pas été diffusée car le rendement du maïs est alors moindre. Sauf qu’aujourd’hui, les agriculteurs de la salle se l’accordent : « nous sommes prêts à diminuer le rendement du maïs si cela permet de valoriser nos terres en pentes ». De nombreuses recherches d’innovations agronomiques qui avait été mises au placard faute de rendement suffisant peuvent être revues au regard des nouveaux objectifs de la protection des sols, patrimoine irremplaçable de la production agricole.

 Frédérique Hupin

Les constats et solutions développés durant la réunion ont été retranscris en live dans le diaporama. Le voici (3,6 Mo).

Cet article a été publié dans L'Avenir Brabant wallon du 17/02/2024.



Un agriculteur qui cherche des solutions

Une future réglementation sur l’érosion risque de mettre à mal la rentabilité de la ferme des frères Decoene à Maransart.

Benoît Decoene n’en est plus à une innovation près après sa friterie à la ferme (la friterie du saule à Maransart) servant en direct la viande de ses vaches dont les papilles se souviennent longtemps. Très inquiet par la future réglementation en cours d’élaboration pour préserver les sols de l’érosion, il cherche des solutions. « Toutes mes terres sont en pente » explique le Paysan lasnois, « ce qui signifie qu’en l’état de la réglementation, je ne pourrais plus y cultiver de betteraves, de chicorées ou de pommes de terres, qui sont les cultures qui me permettent de rembourser les lourds emprunts que j’ai dû réaliser pour acheter les terres que je cultive. Je ne pourrais plus non plus y mettre de maïs, la principale nourriture de mes vaches. Il me reste les prairies et les céréales, mais on ne remplit pas son compte en banque avec une culture dont le prix de vente est complètement déconnecté de ses coûts de production. Seuls des spéculateurs ne savant même pas planter un radis s’en mettent plein les poches ». La messe est dite. 

Une idée germe avec une cliente de la friterie, ingénieure agronome de surcroit, d’animer des groupes de discussion entre agriculteurs sur le sujet de l’érosion pour chercher de nouvelles idées et anticiper la future réglementation. Le comice de Nivelles Genappe cherchant une idée innovante pour attirer les agriculteurs qui avaient déserté les bancs des conférences, le lien fut vite fait.