La recherche est dans les champs

 

Agriculteurs et chercheurs se rencontrent à la ferme du champ des noces, pionnière de l’agriculture biologique de conservation des sols

Les stries de la route bétonnée de la rue de Corsal à Chastre résonnent en saccades dans l’habitacle de la voiture. Les flaques éclaboussent les flancs de la carrosserie. De part et d’autre du chemin agricole, s’égrènent des prairies pâturées par les dernières vaches de cette région de grandes cultures. Au loin apparaissent des silos jaunes et des hangars rouges alignés devant une cour de béton, témoins de l’intensification agricole de la fin du 20ème siècle. Les 80.000 poulets de chair qui ont occupé la place pendant plus de 25 ans ont aujourd’hui disparu. Ici, l’habit ne fait plus le moine, les bâtiments ne sont plus qu’un décor abritant les prémices d’une ère agricole nouvelle, celle de l’agriculture biologique de conservation des sols (ABC).

Pour l’occasion, il s’agissait de fêter le départ à la pension d’un chercheur du Centre wallon de Recherches agronomiques (CRA-W) : Daniel Jamar. Pas de ballons ni de banderoles, pas de champagne ni de discours pompeux, mais plutôt une vrai journée de partage et d’échanges de connaissances entre chercheurs, agriculteurs et conseillers agricoles partageant une conviction commune : la base de toute production agricole, c’est le sol et sa vie.

Un pionnier en matière de co-construction de la recherche avec les agriculteurs

Depuis plus de 20 ans, Daniel Jamar, habitant de Grez-Doiceau, a mené des recherches au CRA-W sur les systèmes agricoles. Il ne fait donc pas de la recherche sur une culture spécifique ou sur un animal en particulier, mais bien sur l’articulation d’un ensemble de facteurs que doit gérer un agriculteur pour mener sa ferme à bien. En outre, Daniel Jamar développe ses recherches de manière participative, en associant les acteurs de terrain, dans son cas : les agriculteurs.

Le savoir-faire des agriculteurs pionniers

En 2005, grâce à l’accompagnement agronomique de Laurent Declerq de la société TMCE, Régis Colin a un déclic : il arrête de labourer les sols. « Au début je ne m’intéressais pas trop à la vie du sol, mon premier objectif était d’améliorer la structure de mon sol, son taux d’humus et son statut hydrique. J’ai vite constaté que moins je travaillais mon sol, mieux il se portait. Je dis toujours : on s’enterre jusque-là où on travaille »

En 2020, Régis Colin passe à l’agriculture biologique. Mais pas question de ressortir la charrue pour se débarrasser des adventices. Plutôt que de devoir les détruire, il essaie de les empêcher d’arriver en pratiquant la technique du couvert permanent et du semis direct. Il sème en même temp que son froment, du trèfle blanc nain. Après la moisson, pas besoin de déchaumer ni de semer un couvert dans la sécheresse, le trèfle est déjà là et fournit gratuitement de l’azote aux cultures et au sol. Si la culture suivante est une céréale, elle sera semée directement dans le trèfle à l’automne. Si la culture suivante est semée au printemps, le trèfle plus vigoureux, sera détruit en partie en fraisant superficiellement sur 3 centimètres.

« Au départ c’est mon épouse qui voulait qu’on passe au bio. NDLR : elle a d'ailleurs reçu le mérite wallon pour cela (voir édition de L'Avenir du 20/09/2022). Je me suis dit pourquoi pas. Je mangeais mes poulets industriels, je n’avais pas peur [rires], mais mon épouse achetait du bio. J’étais en agriculture de conservation des sols. J’ai arrêté les poulets. Je voulais passer à autre chose qui avait plus de sens. J’ai acheté un moulin pour transformer mes céréales en farine et j’ai cherché un boulanger pour la valoriser en direct (voir édition de L'Avenir du 04/09/2021). Grâce aux deux coopératives agroécologiques Cultivae (Perwez) et Farm for Good (Havelange), je peux valoriser mes cultures à un juste prix. »

 

L’ABC de l’agriculture biologique de conservation des sols

Agriculture de conservation des sols (AC) : agriculture conventionnelle qui mise sur les services écosystémiques fournis par le sol grâce à la couverture végétale longue en interculture, la diminution du travail du sol (abandon de la charrue) et l’élongation des rotations.

Agriculture biologique (AB) : agriculture répondant à un cahier des charges dans lequel aucun intrant de synthèse n’est autorisé.

Agriculture biologique de conservation des sols (ABC) : agriculture de conservation des sols qui répond au cahier des charges de l’agriculture biologique


Le compte-rendu de cette journée de terrain est disponible sur le site du CRA-W.

 

Article publié dans L'Avenir BW le 16/10/2024 :