A Orp-Jauche les betteraves poussent au milieu des silex

Un sous-sol de calcaire, sable et silex

Une balade géologique guidée par Frédéric Van Dijck, passionné d’histoire et d’archéologie, révèle l’incroyable passé de Orp-Jauche.

Article publié dans L'Avenir.


 

A l’initiative de l’ASBL La Petite Jauce, les habitants de la commune d’Orp-Jauche et d’autres passionnés ont eu la chance, ce dimanche 16 avril, de partir à la découverte des traces laissées par l’homme il y a plusieurs milliers d’années. Malgré le temps frais et humide, 25 personnes ont répondu à la proposition de La Petite Jauce.

Frédéric Van Dijck travaille depuis 30 ans au Service public de Wallonie sur la gestion des risques naturels pour l’aménagement du territoire et l’urbanisme. Il est architecte paysagiste (ISICF) avec une formation complémentaire en géologie et hydrogéologie (ULg)  et accessoirement en cartographie numérique et modélisation (ESRI Belgium). Mais c’est avant tout parce qu’il habite Orp-Jauche, que l’ASBL de protection de la nature créée en 1977 sur ce même territoire s’est intéressée à lui. Jos Bernar est membre du conseil d’administration de l’ASBL : « quand nous avons appris qu’un spécialiste de notre sous-sol habitait le territoire, nous nous sommes dit qu’il fallait organiser une visite guidée avec lui. Même si à priori, la géologie ne semble pas faire partie de la défense de la nature, en fait si. C’est en comprenant mieux notre histoire et notre sous-sol que nous pourrons mieux protéger la nature qui l’occupe »

Les conditions géologiques de la région sont à la base de ce que l’on y retrouve comme trace de notre passé. Enorme bond en arrière pour comprendre.

« Le Massif du Brabant est une ancienne montagne qui s’est érodée au cours des temps géologiques » explique Frédéric Van Dijck. « Pendant ce temps, la mer montait (on appelle ça une transgression) et descendait (une régression). Elle est arrivée contre le massif du Brabant, et l’a entourée. Ces mers très chaudes contenaient des organismes marins (les cocolithes) dont les squelettes se sont déposés dans le fond de la mer pour former nos actuels sous-sols calcaire. Les craies du bassin de Mons et de Hesbaye proviennent de cette ancienne merLa formation de Gulpen est essentiellement concernée à Orp-Jauche. Elle date de 70 à 80 millions d’années. »

Notons que l’eau extraite du sous-sol et distribuée à Orp-Jauche est une des eaux les plus dures (chargée en carbonates) de toutes les eaux wallonnes. La faute à notre passé marin et aux squelettes calcaire de ces organismes marins.

Frédéric Van Dijck continue son histoire avant l’histoire : « la mer n’apportait pas que des organismes calcaires ! Plus tard, elle a aussi apporté du sable. Il y a donc eu aussi les transgressions marines du Thanétien et du Bruxellien (nouvellement appelée « formation de Bruxelles du Landénien »). Les carrières de sable de Chaumont-Gistoux et de Mont-st-Guibert en sont de beaux exemples. »

Pendant les périodes glaciaires, beaucoup plus récentes, beaucoup plus froides, sont venus se déposer les limons, produits de l’érosion des glaciers, apportés par le vent, et formant une couche qui atteint jusqu’à 15 mètres d’épaisseur en Brabant-wallon. C’est cette couche de sol qui en fait la région la plus fertile de Belgique, mais qui s’érode à vitesse vv’ avec les grosses pluies.

 

The place to be pour les hommes préhistoriques

Orp-Jauche est unique en Belgique en matière d’occupation par les hommes préhistoriques : on y a retrouvé les traces de trois espèces d’hommes.

Frédéric Van Dijck s’atriste de la possible perte de vestiges de notre civilisation : « de nombreux silex utilisés par l’Homme de Neandertal sont apparus en surface ces dernières années suite à l’érosion très importante dans les terres cultivées. Des blocs induisant des dégâts au matériel agricole sont souvent poussés dans le fossé ».

Le silex est cette pierre que nous associons tous aux hommes préhistoriques. Cette roche a la particularité de produire des éclats tranchants lorsqu’on la percute.

Si de nos jours, nos métaux précieux sont le lithium et le cobalt pour fabriquer des batteries, du temps des hommes préhistoriques, les vrais pierres précieuses étaient les silex. Avec eux, ils faisaient tout : des objets de la vie quotidienne (des lames de couteaux, des racloirs), des outils (des haches), des armes pour chasser (des pointes de flèches). Ces objets devenaient même des monnaies d’échanges. Des euros avant l’heure. On a par exemple retrouvé en Allemagne, une hache fabriquée avec du silex extrait à Jauche ! Le commerce existait déjà de longue date.

Naturellement, les hommes préhistoriques ont donc occupé les territoires où ils trouvaient leurs ressources.

C’est ainsi qu’Orp-Jauche fut le berceau de trois espèces d’hommes. Un fait unique en Belgique ! A la fois l’Homo Erectus (ou Homo heidelbergensis), l’homme de Néandertal et notre ancêtre direct, l’Homo sapiens. Ces différentes espèces d’êtres humains y ont vécu, respectivement il y a plus de 300.000 ans, 50.000 ans et 10.000 ans.

Et ça c’est grâce à l’observation des silex, que le géologue et l’archéologue peuvent le déduire. En effet, les techniques de taille sont différentes d’ère en ère.

Le rêve de Frédéric Van Dijck ? Qu’une zone de 630 ha s’étendant entre Wansin, Orp-le-Grand et Jauche, soit classée au même titre que Spiennes. 

Un musée archéologique pour la région

Orp-le-Grand abritait jusqu’en 2011 un musée d’archéologie, regroupant les objets et informations sur le passé préhistoriqe de la commune. Ce musée a déménagé au domaine d’Hélécine et a été rebaptisé MiaBW (muséed’interprétation archéologique du Brabant).