La forêt mosaïque : un puzzle de petites forêts

Une formation au nouveau concept de «forêt mosaïque» était organisée dans la forêt du Chenoy entre Villers-la-Ville et Court-Saint-Etienne pour les propriétaires de forêts.

La forêt du Chenoy à Villers-la-Ville a fait office de forêt « exemple » pour illustrer une formation d’une journée organisée par la Société Royale Forestière Belge (SRFB) sur le nouveau concept de forêt mosaïque.

La forêt mosaïque est une forêt diversifiée dans toutes ses composantes, au niveau des essences, des pratiques sylvicoles, de la génétique et des microhabitats.

Ils étaient une quarantaine, venus des quatre coins de la Wallonie. Equipés pour la plupart de tenues de randonnée et de chaussures de marche, le tout dans des tons à prédominance verte. On aurait pu croire à un groupe de naturalistes à la recherche de l’oiseau rare. Mais les regards rivés vers le ciel regardaient davantage la cime des arbres, quand ceux rivés vers le bas dégageaient des petites pousses de douglas ou de chêne envahies par d’autres espèces plus opportunistes comme le cerisier tardif, les ronces ou les fougères. Et oui, une forêt, ça se gère, pour prendre en compte ses multiples aspects : production de bois de construction, biodiversité, maladies, loisirs, chasse, ….

Dominique Duchêne, au nom prédestiné, est expert forestier, membre de la Fédération Nationale des Experts Forestiers de Belgique qui veille à la compétence et à la déontologie de ses membres. Avec l’aide de gardes forestiers, d’entrepreneurs de travaux forestiers et d’administratifs, il est mandaté par les propriétaires de la forêt du Chenoy pour en assurer la gestion forestière. On entend par-là de décider ce que l’on coupe, ce que l’on plante, comment on agence les plantations, les opérations que l’on mène pour l’entretien, à qui l’on vend le bois et à quelles conditions, ce que l’on met en place pour améliorer la biodiversité, etc… Dominique Duchêne rappelle d’entrée de jeu l’objectif en vidant ce qu’il a sur le coeur :  « la gestion d’un écosystème forestier est complexe, en raison de l’aspect long terme à intégrer dans les réflexions. Il faut parfois deux à trois générations pour mettre en place des choses. Le confinement a fait redécouvrir la forêt au grand public : c’est surprenant et parfois désolant de voir le nombre de personnes qui s‘érigent en donneur de leçons en matière de gestion forestière. Les gens veulent des maisons en ossature bois, des tiny house, le tout local, mais ils ne veulent pas qu’on plante des résineux. Ils ne veulent pas que l’on coupe des arbres mais sont les premiers à demander d’en couper lorsqu’ils installent des panneaux solaires ou à rouspéter lorsqu’une branche ou des feuilles tombent sur la route. C’est contradictoire. Ici nous avons la chance d’avoir des propriétaires de la forêt qui savent ce qu’est le changement et ont l’habitude de devoir s’adapter, ce sont d’anciens industriels. Cela fait 37 ans que je gère cette forêt, et on n’arrête pas de se remettre en question ».

Ces dernières années, tout s’est emballé avec les conséquences du changement climatique (sécheresses, tempêtes) et de la mondialisation. Les maladies arrivent d’autres continents sur des arbres affaiblis par le manque d’eau. Dans une clairière en plein milieu du bois, Dominique Duchêne explique : « ici on a perdu tous les arbres en deux semaines, rongés par un petit coléoptère inconnu. ».

Alors le mot d’ordre est : « diversifiez ! ». Les essences, mais aussi les écosystèmes, les techniques de travail et les provenances des plants. En fait, Dominique Duchêne est déjà dans la philosophie de la forêt mosaïque depuis de nombreuses années sans l’avoir nommée. « C’est du bon sens, il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier » conclut le forestier.

La forêt mosaïque : un puzzle de petites forêts

La « forêt mosaïque » est un outil pour mettre en place une forêt capable de maintenir sa structure et son fonctionnement suite à une perturbation.

La Société Royale Forestière Belge (SRFB) existe depuis plus de 100 ans. Elle s’est donné pour mission d’être au service de la forêt et des propriétaires forestiers. Soucieuse de les aider à amener davantage de résilience à la forêt (c’est-à-dire une forêt qui résiste mieux aux aléas climatiques et aux maladies), elle développe le concept de « forêt mosaïque ». Voir également l'édition nationale du journal L'Avenir du 21 mars 2022.

« A nos yeux, ce concept résume toutes les bonnes idées en un schéma », explique Isabelle Lamfalussy, qui gère le volontariat et le projet « forest friends » au sein de l’ASBL.

On peut comprendre la forêt mosaïque comme une philosophie, un concept global qui vise à montrer comment on peut diversifier les essences au sein d’une même forêt. Mais pas que les essences, les modes de gestion également. Au final c’est cela qui va maximiser tous les services rendus par la nature. Ce que l’on appelle les « services écosystémiques ».

Un couple de retraité, propriétaire d’un bois à la Baraque Fraiture nuance la solution : « Chez nous ce n’est pas faisable. La forêt est trop petite, il y a l’altitude et les sols sont pauvres. On ne sait planter que du douglas ou de l’épicéa. On a bien planté quelques hêtres pour protéger les résineux, mais ils ne sont pas si beaux qu’ici. On a eu le scolyte. Avec la sécheresse, les arbres poussent moins vite. En fait on ne sait plus très bien ce qu’il faut faire… ».

Le concept de forêt mosaïque vise à éveiller les consciences des forestiers, des citoyens et des politiques et à les inspirer. Car finalement toute histoire commence toujours par une vision.

www.foretmosaique.be

Cet article a été publié le 16 mai 2022 dans L'Avenir BW et était annoncé en première page du journal.