Les semoirs sont de sortie
Les semis des cultures de printemps sont lancés dans le Brabant-wallon. Avec quelques jours de décalage d’Est en Ouest selon le type de sol.
Ca y est le printemps est là ! Les agriculteurs étaient sur les starting blocks depuis deux semaines, rivés sur les prévisions météo en attente d’un réchauffement et de quelques jours d’affilée de temps sec. Ils ont eu l’hiver pour réviser les machines, planifier les assolements, faire leurs stocks de semences. Le grand moment est arrivé, celui des semis des cultures de printemps.
Chez Benoît Lempereur, agriculteur à Perwez, on a commencé par la betterave et la chicorée. Ces deux cultures, qui seront récoltées pour leurs racines, nécessitent une terre dans laquelle les plantules pourront facilement se creuser un chemin pour atteindre l’eau et les éléments nutritifs tout en formant une belle grosse racine non difforme. Benoît Lempereur est fidèle à ses pratiques, conforté par vingt ans d’expérience : « pour une bonne implantation des cultures, le travail du sol est essentiel ! ».
Cet agriculteur méticuleux a préparé son semis de betteraves et de chicorées dès la moisson de la culture précédente : il a semé en été un couvert végétal multi-espèces dans le but de nourrir le sol et les vers de terre. Là où la réglementation impose de couvrir les sols par au minimum une espèce, comme la moutarde par exemple, peu chère, il sème des mélanges de couverts (voir article du 14 octobre 2020 sur le labyrinthe fleuri).
« Je vais plus loin que la réglementation, je sème des couverts multi-espèces, jusqu’à sept espèces différentes. Je veux produire de la biomasse pour le sol et les vers de terre. Les différentes racines vont créer des trous d’aération dans le sol, et les vers de terre vont tout mélanger. Mais les vers de terre ne peuvent pas tout faire, j’ai besoin de la charrue pour finir le travail ». Fin novembre les terres ont été charruées pour mélanger les couverts végétaux au sol et accélérer leur décomposition.
Labourer, tout un art
Mais il y a labour et labour, Benoît Lempereur le précise : « à l’école agricole on nous a dit de labourer « dressé » [NDLR : faire des billons] pour que le sol soit soumis au gel qui soi-disant détruira les buttes. C’est faux, les buttes durcissent, sèchent et ça devient du béton. Après il faut dépenser beaucoup de carburant en machine pour émietter tout ça. Moi je laboure « plat », c’est à dire que je roule plus vite pour que la terre soit jetée plus loin et que le champ reste plat. Et je diminue le régime moteur pour consommer moins ».
La veille du semis, Benoît Lempereur « ouvre les sols » en passant avec une herse canadienne, un outil à dents courbées qui gratte et aère le sol sur 10 centimètres de profondeur. Le soleil rentre dans la terre et la réchauffe. Juste avant le semis, deux vibroculteurs (un devant et un derrière le tracteur) termineront d’affiner la terre jusqu’à en faire de la farine. Douce au toucher, agréable à prendre en main, c’est ce qu’on appelle « une terre amoureuse ».
Labour or not labour
Les techniques de semis sont multiples. Elles varient selon de nombreux facteurs dont celui du travail du sol préalable pour préparer le champ.
Sur la scène agricole des semis, tous les actes ne se ressemblent pas. Quand la plupart entre en scène côté cour, d’autres, moins nombreux, choisissent le côté jardin.
Si pour Benoît Lempereur, la préparation d’un lit de semence rime forcément avec labour avant l’hiver, son voisin de parcelle, Daniel Minne, tente une autre technique : celle du non labour. Cette technique est l’un des trois piliers de l’agriculture de conservation des sols citée dans notre édition du 15 février 2021 à l’occasion de la sortie du film « Bienvenue dans nos sols » produit par l’ASBL Greenotec.
La terre de Daniel Minne n’a pas été retournée avant l’hiver par le labour, elle est encore jonchée de débris végétaux voire même de plantes mortes encore debout. « Comment je vais faire pour semer la dedans ? Avec un semoir à disques pardi ! » annonce notre agriculteur, théâtralement. Il s’agit d’un semoir équipé de disques verticaux qui tranchent les débris végétaux et créent un sillon dans lequel viendra se loger la graine. Notre agri-acteur continue à grand renfort d’emphases : « mais Benoît, lui, ses plantes auront déjà pris une semaine d’avance, quand moi je me lancerai dans le semis. Et une semaine, ça compte beaucoup pour le rendement final ! Je fais ça pour la nature, je fais ça pour mes enfants, mais vraiment, on n’est pas aidé en Wallonie pour ça. Et la France a 15 ans d’avance dans ces techniques. Je serais prêt à m’associer avec quelques agriculteurs pour payer un agronome français pendant un mois et qu’il nous explique tout. Mais faut que ça rapporte ! Je suis là pour gagner ma vie quand même ».
Si le théâtre est un art, le semis en est un aussi. Chaque acteur le pratique à sa manière dans le but de jouer la pièce au mieux qu’il le pense jusqu’au dernier acte, celui de la moisson.