Les fleurs des champs ont la cote

Des agriculteurs sèment des fleurs en plein champ pour améliorer leur sol et empêcher le nitrate de descendre vers la nappe phréatique avec la pluie.

Article publié dans L'Avenir BW du 13/10/2020

Jaune, bleu, vert, blanc, rose, que de couleurs dans un champ où quatre mois auparavant poussaient des petits pois. Une jolie promenade a travers champ a attiré plus de 200 personnes à Perwez, au milieu des fleurs. Les petits groupes de promeneurs étaient guidés par un agriculteur sur un parcours parsemé de stands où des explications étaient données sur les actions menées par les agriculteurs pour mieux cohabiter avec la nature.


Ce champ de 20 hectares situé entre la rue du Mont et la rue des Romains à Perwez a été semé par l’agriculteur Benoît Lempereur.  Quand il a vu que, malgré la sécheresse, son champ était si beau, il a contacté l’ADL dePerwez pour leur proposer d’organiser une action pour le grand public. Sont mis alors dans la boucle, le GAL Culturalité de Hesbaye et sa cellule de communication agricole, les conseillers agricoles des ASBL Protect’Eau et NatAgriWal, le Collège des producteurs, des chercheurs de l’UCLouvain et du Centre wallon de Recherches agronomiques, la province du Brabant-wallon, la commune de Perwez et ses agriculteurs. En un mois, l’événement était sur pied. Belle prouesse en ces temps de COVID qui court.

L’objectif premier de l’agriculteur était d’abord agronomique : améliorer la structure de son sol. « La prochaine culture sera de la chicorée, que je sèmerai au printemps. Les graines sont petites, j’ai besoin d’une terre bien émiettée pour qu’il en sorte une belle racine. Quand je laboure la terre après un couvert multi-espèces comme celui-là, je vois que les racines ont travaillé pour moi. La terre est bien fragmentée. Le semis se fera comme dans du beurre. »

Une simple culture de moutarde (les fleurs jaunes qui fleurissent en ce moment dans les champs) pourrait faire l’affaire et c’est moins  cher, mais Benoît Lempereur veut aller plus loin. En semant un couvert multi-espèces, il compte bien profiter des avantages de chacune des plantes dont les racines explorent différents horizons du sol. « Je veux enrichir mon sol en matière organique donc je cherche une grosse production de biomasse. Le radis chinois a une racine pivotante qui va perforer mon sol, l’eau s’y infiltre plus facilement. La phacélie a un système racinaire qui émiette superbement ma terre. Le tournesol me fournit une grande biomasse aérienne et c’est beau, ça valorise l’image de l’agriculture. »

Si vous voulez profiter du spectacle, c’est encore possible jusqu’au 15 novembre, date fatidique jusqu’à laquelle le couvert doit être maintenu pour satisfaire à la réglementation. Dans un mois, le champ sera broyé puis la charrue passera par là. « Je veux charruer avant que les terres ne soient détrempées par les pluies » explique Benoît Lempereur.

Une réglementation pour protéger l’eau

La directive européenne « nitrate » oblige les agriculteurs à semer une culture au plus vite après la récolte des petits pois pour consommer le reste de nitrate laissé dans le sol. Le pois est en effet une culture magique : il se nourrit tout seul dans l’air. Belle économie d’engrais ! Grâce à une association millénaire avec une bactérie (le Rhizobium), l’azote (présent dans l’air à 78%) est transformé en engrais azoté disponible pour les cultures. Le pois est un bosseur et un partageur, il laisse de l’engrais, sous forme de nitrate, dans le sol pour les suivants. Mais voilà, si les suivants tardent à venir, la garde-manger est emporté par les pluies à travers le sol. Et qu’est-ce que l’on trouve sous nos pied à 20 mètres sous terre ? Nos réserves d’eau potable. Et le nitrate dans l’eau potable, personne n’en veut. A l’air libre, il se transforme en nitrite (sous l’action d’une autre bactérie), qui vient se fixer sur l’hémoglobine en prenant la place de l’oxygène. Asphyxie assurée.

 

 

Un partenariat cultivateur – éleveur

Un champ rempli de fleurs peut aussi nourrir des moutons. L’occasion de créer un nouveau partenariat. Ce qui ne te sert pas m’est utile et vice-versa.

Après les multiples avantages agronomiques, environnementaux et esthétiques d’un couvert végétal multi-espèces, on en trouve encore : celui de nourrir des moutons. Un partenariat d’un nouveau genre émerge doucement suite à l’amplification de la pratique des couverts végétaux en agriculture. Ces cultures à la base destinées à nourrir le sol, peuvent servir de fourrage d’appoint pendant deux à quatre mois pour les moutons. Avantage non négligeable quand la sécheresse a mis à mal la pousse de l’herbe en prairie. L’éleveur arrive avec ses moutons et ses clôtures mobiles dans le champ de l’agriculteur. Ce dernier reçoit en retour un engrais précieux épandus gratuitement par les moutons : leurs crottes ! « On estime que 95 % des nutriments ingérés par le mouton sont restitués au champ par leurs excréments » commente Cyril Régibeau, spécialiste « mouton » au Collège des producteurs. « En plus, grâce au passage par le rumen des moutons, les excréments sont riches en bactéries intéressantes pour le sol. La vie du sol est boostée. Un avantage supplémentaire pour le cultivateur : le broutage par les moutons évitera le passage d’une machine pour broyer le couvert, et les résidus du couvert, mis en contact avec le sol par les pieds des moutons, pourront se dégrader plus facilement. C’est aussi l’occasion de développer des filières locales d’approvisionnement en viande de mouton car la Belgique est  loin d’être auto-suffisante. Seul 13% de la viande d’agneau consommée chez nous a grandi chez nous. Le reste vient principalement de Nouvelle-Zélande et d’Irlande. »