IQSW : Un outil de diagnostic pour les sols


200 experts des sols se sont réunis à Louvain-la-Neuve pour réfléchir à la construction d’un indice destiné à améliorer la santé des sols wallons.

Un train d’un nouveau genre est parti jeudi dernier de la gare de Louvain-La-Neuve : l’IQSW Express. IQSW pour Indice de Qualité des Sols Wallons. Destination du train : la santé des sols. La locomotive du jour : une équipe multidisciplinaire coordonnée en tri-partite par un partenaire académique (l’UCLouvain), un organisme d’intérêt public (le Centre wallon de Recherches agronomiques) et un bureau d’étude en environnement (ARIES Consultants).

En gare : des utilisateurs, des gestionnaires, des explorateurs, des protecteurs des sols, issus de secteurs variés, privés ou publics, enseignement, recherche, laboratoires, bureaux d’étude, immobilier, agriculture, forêt, aménagement du territoire, environnement, nature…

L’objectif du jour était d’accrocher les wagons à la locomotive afin de construire un outil de diagnostic et d’amélioration des sols wallons.

« Les réflexions menées aujourd’hui autour de l’IQSW s’insèrent dans les discussions autour de la santé des sols qui ont lieu au niveau européen pour le moment », rassure Esther Goidts, attachée qualifiée à la Direction de la Protection des Sols au SPW Agriculture, Ressources Naturelles et Environnement et représentante wallonne pour l’élaboration de la proposition de Directive sol européenne dans le cadre de la présidence belge. « La proposition de loi européenne sur les sols met au cœur de son texte la notion de santé des sols tel que nous le faisons aujourd’hui avec l’indice de qualité des sols wallons. »

IQSB : à Bruxelles, l'outil existe déjà

L’outil existe déjà pour la Région de Bruxelles-Capitale : l’indice de qualité des sols bruxellois (IQSB).

« L’IQSB actuel est déjà un outil d’aide à la décision intéressant et permet de fournir un nombre important d’informations sur le sol », explique François Henry, facilitateur sol chez Bruxelles Environnement. « Nous sommes un peu pionnier en la matière et c'est donc aussi un outil en développement, qui peut être amélioré et complété par de nouvelles informations. Nous avons quelques pistes de réflexions dans nos cartons. » Bruxelles Environnement envisage d’améliorer son indice en réfléchissant entre autres à un indice par typologie de sols, ce qui rejoint la philosophie du futur indice wallon qui s’avère plus complexe. Car si l’IQSB prend en compte quatre services fournis par les sols (habitat pour la biodiversité, production de nourriture, stockage du carbone et infiltration des eaux), sa version wallonne ambitionne d’aller plus loin en prenant en compte un ensemble plus large de services écosystémiques rendus pour chacun des usages des sols (naturel, agricole, résidentiel, récréatif, commercial, industriel).

À terme, l’IQSW a pour vocation d’orienter l’utilisation du sol en phase avec son état de qualité actuel, On pourrait alors voir la logique d’utilisation actuelle s’inverser.

« L’arrivée d’un tel indice pourrait entraîner un changement de paradigme dans la gestion des sols » constate Clélia Van de Casteele, coordinatrice du projet chez ARIES Consultants. « On va basculer vers une logique d’imperméabilisation et de construction sur des sols de moindre qualité, et conserver les sols de bonne qualité pour la production de nourriture. »

Les intervenants sont unanimes : les sols doivent être mieux préservés des dégradations. Les experts en études de sol voient cet outil et l’arrivée de la Directive Européenne pour la surveillance et la résilience des sols comme une opportunité de développement d’activité et d’expertise. Mais le challenge reste énorme.

FWA : le secteur agricole reste attentif

Contrairement à Bruxelles où l’IQSB est utilisé dans un cadre principalement urbain, en Wallonie la composante agricole sera prépondérante.

De nombreux secteurs sont concernés par le futur indice de qualité des sols wallons (IQSW) : naturel, agricole, résidentiel, récréatif, commercial, industriel. En Wallonie, l’agriculture occupe plus de 50 % des sols (sans compter la sylviculture). Le secteur agricole reste très attentif à la création d’un indice de qualité des sols.

Bernard Decock est responsable du département environnement à la Fédération Wallonne del’Agriculture (FWA). Il jongle depuis 33 ans avec les législations environnementales agricoles. Les programmes de gestion de l’azote et de réduction des pesticides n’ont plus de secrets pour lui. Étant donné la durée de son expérience, il est la mémoire vivante de l’évolution de ces législations au sein du syndicat agricole FWA. Le sol est son nouveau cheval de bataille. S’il reste attentif à ce que les nouvelles réglementations n’impactent pas trop la profession, il affirme néanmoins que protéger le sol revient à protéger son outil de travail principal. « Le sol en agriculture est un outil de production mais aussi l’assurance de pouvoir mener son activité. Une surface minimale est nécessaire pour qu’une exploitation agricole soit viable. C’est aussi un patrimoine immobilier. Et c’est surtout la résultante d’un investissement non quantifiable de savoirs et de pratiques, parfois sur plusieurs générations qui ne pourront pas être résumées dans un indice. La carte des sols détermine déjà largement ce que l’agriculteur peut faire de son sol. L’IQSW ne doit pas entraver la liberté de cultiver et doit surtout être un outil d’aménagement du territoire. Le sol agricole est le plus facile à bâtir pour les projets immobiliers. L’indicateur aura atteint son objectif s’il peut aider à préserver les sols agricoles face aux autres besoins de la société. Et aussi s’il laisse la possibilité de mettre de la matière organique sur les terres en pente pour assurer leur qualité biologique et structurelle... et donc permet de revoir des interdictions peu compréhensibles. Finalement, notre principal besoin est de savoir ce que l’on veut faire exactement de cet indice car souvent les projets partent de bonnes intentions puis ça finit mal pour le secteur » conclut Bernard Decock.


Cet article a été publié dans L'Avenir (toutes éditions) du 16/04/2024.