Inverser les rapports de forces


 

Le néo-louvaniste, Franck Dujarrier, veut inverser le fonctionnement des marchés agricoles grâce à une application smartphone sortie ce 26 juin.

Ce 26 juin l'application Ceres Finance forfarmers est sortie au grand jour après un an de test sur une centaine de fermes laitières. Derrière cette innovation, se cache Franck Dujarrier, un entrepreneur visionnaire résident à Louvain-la-Neuve, français de nationalité et petit-fils d'agriculteurs normands. En fondant la société Fieldkaired, il voulait mettre ses compétences en gestion financière au service de la cause agricole.

L’appli Ceres Finance for Farmers

Si on veut améliorer sa rentabilité financière il est impératif d’avoir une vision globale sur ses dépenses, poste par poste.  Si l’on veut obtenir un prix juste de ses productions, il est nécessaire d’objectiver ses coûts. La solution pour répondre à la demande des agriculteurs fut de créer un compagnon, à glisser dans leur poche, qui puisse les guider dans la gestion de leur exploitation : Ceres Finance for farmers. Cette application mobile a été conçue pour les agriculteurs afin de leur rendre la maîtrise de leur situation financière via un accès à leurs données de gestion, mises à jour en temps réel. Elle s’est donnée pour mission d’alléger autant que possible les tâches administratives et financières des agriculteurs, tout en étant simple d’utilisation et intuitive. Franck met un point d’honneur à leur faciliter la vie afin qu’ils puissent se concentrer pleinement sur leur coeur de métier mais avec une vision claire de ce qui leur rapporte et de ce qui leur fait perdre de l’argent.

« Avec l’appli Ceres Finance for Farmers, j’offre aux agriculteurs trois outils d’aide à la décision » énumère Franck Dujarrier, « la maîtrise de leur trésorerie, de leurs coûts de revient et de leur prix ». Les informations collectées, enregistrées, triées grâce à l’appareil photo de l’application peuvent être envoyées plus facilement au comptable qui réalise ses opérations classiques.

« L’application ne fait pas de comptabilité à proprement parler. Dès aujourd'hui », renchérit le fiscaliste, « l'utilisateur peut partager avec son comptable les documents qui lui sont nécessaires pour répondre aux obligations fiscales (déclaration de TVA, impôts) et comptables (bilan et compte de résultat). Dans les mois qui viennent, l'utilisateur pourra partager ses documents à son comptable au format UBL (universal business language) qui est la dématérialisation standard des documents agréée en Europe et au-delà. Cela réduira le temps administratif de traitement des centres de gestion comptable. »

Le temps pour lequel on paie son comptable peut alors être imparti à des tâches plus valorisantes de conseil.

« Avec l’appli Ceres Finance for Farmers, pour 20 euros par mois, l’agriculteur a en poche un outil de pilotage financier de ses productions. A terme il pourra objectiver ses coûts face à ses acheteurs et négocier son prix. Je souhaite retourner une situation dans laquelle les agriculteurs sont maltraités et qu’ils redeviennent les maîtres du jeu » ambitionne le fondateur de l’appli.

Dans un premier temps, l’application a été mises au point pour les fermes laitières, mais il est prévu de l’étendre à tout type d’exploitation agricole.

Cinq ans pour passer d’une idée à une appli

Il y a quelques années, alors qu’il travaillait pour une multinationale française, le financier, Franck Dujarrier, originaire de Normandie, pays des vaches laitières, a été très touché par l’appel désespéré de producteurs laitiers. Ceux-ci souhaitaient simplement transformer leur lait mais ne pouvaient se permettre les coûts exorbitants des installations industrielles. Ils étaient alors pieds et poing liés aux industriels du secteurs qui fixent le prix. Cette injustice a déclenché chez cet entrepreneur dans l’âme le désir d’agir et de trouver une solution. Il le clame haut et fort en en-tête de sa page LinkedIn : « Aussi choquant que cela puisse paraître aux personnes extérieures, le secteur agricole fonctionne sur de nombreuses structures et processus datant des années 1950. Ces structures sont centrées sur la surproduction, au détriment de l'environnement et des agriculteurs eux-mêmes. Le statu quo n'est plus tenable. Nous ne pouvons adhérer aux systèmes désuets et espérer protéger l'environnement et améliorer la vie des agriculteurs. »

En 2019, Franck entreprend un Executive MBA afin d'étudier les approches américaines de création d'entreprise. En parallèle, il sonde les agriculteurs pour comprendre au mieux leurs besoins. Trois cent agriculteurs ont répondu à son enquête dont trois grandes revendications ont émergé : le besoin d’assurer leur rentabilité, la maitrise de leurs finances et de leur trésorerie, et le besoin de reconnaissance au travers d’un prix juste.

Frédérique Hupin 

 

 Article publié dans L'Avenir du 28 juin 2024