Des actions co-construitent pour protéger l'eau

 

Une tempête de cerveaux pour protéger l’eau

A Libramont, des agriculteurs et des conseillers agricoles se sont réunis pour coconstruire un programme participatif de protection des captages.

Faire participer les citoyens pour améliorer le monde de demain, voilà un concept qui prend de plus en plus d’ampleur. Le faire avec des agriculteurs dans le but de protéger la qualité de l’eau, c’est le pari pris par l’ASBL PROTECT’eau. Une « tempête de cerveaux » plus communément appelée brainstorming, s’est déroulée le 22 février à Libramont en présence d’agriculteurs et de conseillers agricoles.

Dimitri Leboeuf est ingénieur agronome. Depuis six mois, il coordonne un des cinq bureaux régionaux de PROTECT’eau, basé à Libramont. Qui de mieux placé pour mettre de l’énergie dans la concrétisation d’un « Contrat de captage » que ce Bertrigeois qui vient de passer 13 années de carrière chez Idelux dont les neuf dernières comme conseiller technique captage.

« A la base, le constat est peu alarmant », expose-t-il. « Les teneurs en nitrate tournent autour de 30 milligrammes de nitrate par litre (la norme de potabilisation est de 50) mais la tendance est à la hausse. » Dans la commune de Libramont-Chevigny, sur les 22 captages d’eau potabilisable, cinq sont concernés par un « Contrat captage » : ceux de Bougnimont, Nimbermont et Laneuville. « La production et la distribution d’eau sont gérées par la commune elle-même, comme c’est le cas pour la moitié des communes de la province de Luxembourg », rapporte notre expert en eau, « mais des connexions sont en place avec le réseau de la SWDE pour compléter voire assurer la distribution de certaines zones ». L’initiation du Contrat captage de Libramont a débuté en octobre 2019 par une réunion d’information des agriculteurs cultivant des terres sur les zones d’alimentation des trois captages. « Sur 36 agriculteurs concernés, 34 se sont inscrits de manière volontaire dans notre programme. Mes collègues Céline et Damien ont su être convainquant », sourit-il. « On leur offre des conseils de fertilisation gratuit, des analyses de leurs engrais de ferme, c’est le béaba, dans un premier temps, et ça pourrait suffire. La plupart des terres sont des prairies, qui ont peu d’impact sur la pollution de la nappe phréatique. Il y a bien quelques terres de maïs, mais elles sont peu nombreuses. Nous avons repéré des améliorations possibles sur la fertilisation des céréales ».

Les idées du terrain

La deuxième réunion de travail, qui s’est déroulée un an après la première, était l’occasion pour les agriculteurs d’apporter leurs pierres à l’édifice. L’animateur de la réunion avait donné la consigne de lancer des idées, sans filtre, aussi insolites soient elles. A peine le tour de table entamé, les propositions fusent et le tableau se remplit : du sous-semis en maïs, des drones, du miscanthus, de la fertigation... Chacun est ensuite invité à classer les idées générées. En combinant l’efficacité à protéger l’eau, et la facilité de mise en œuvre par les agriculteurs, on voit émerger des propositions « gagnant/gagnant ».

Philippe Raskin est agriculteur à Libramont, il est conscient : «Tout n’est pas réalisable mais on doit se soucier de l’eau. Semer des cultures qui demandent peu d’engrais dans les zones à risques est une bonne idée. On a aussi besoin de se faire encadrer lors du retournement d’une prairie, car ça relâche beaucoup d’engrais ».

Les solutions potentielles, collectées par PROTECT’eau, permettront d’établir un plan d’actions adapté au territoire. D’ici un mois, l’ASBL reviendra vers les agriculteurs avec une proposition concrète. Si elle est acceptée, le Contrat captage sera signé par les protagonistes ainsi que par la Ministre de l’Environnement, Céline Tellier. La durée d’un tel contrat est de trois ans.

 

Définitions

Les Contrats captage sont une initiative de la Société Publique de Gestion de l’Eau (SPGE). Démarrés en 2018 en Wallonie, ils ont pour objectif de préserver la qualité́ de l’eau d’une zone de captage ou de l’améliorer. Le projet s’inscrit dans une volonté de trouver des solutions territoriales aux problèmes de qualité de l’eau en y associant les agriculteurs.

L’ASBL PROTECT’eau, active sur le terrain depuis 2001, a pour mission d’améliorer ou de préserver la qualité des ressources en eau en travaillant avec les agriculteurs, notamment via un service gratuit de conseil en ferme. www.protecteau.be


La commune préoccupée par l’approvisionnement

A la commune on voit ce projet d’un très bon œil. « Nous connaissons PROTECT’eau depuis longtemps, et collaborions déjà avec Dimitri Leboeuf quand il était chez Idelux » commente Bernard Jacquemin, échevin ayant l’eau dans ses attributions. « Notre grande préoccupation est la quantité d’eau. Avec les dernières sécheresses répétées, on a du ravitailler certaines zones par camion. On projette de forer deux puits supplémentaires, on espère que la quantité d’eau et la qualité seront bonnes. Notre point d’attention c’est le nitrate. Les agriculteurs ont des puits, mais en temps de canicule, ils sont vite à sec. On doit trouver des solutions pour qu’ils puissent être alimentés aussi par le réseau. Sur Libramont, nous avons 6000 compteurs d’eau, dont 450 chez les agriculteurs dans les pâtures. »