Le plus gros projet agroforestier jamais implanté en Brabant-wallon vient de voir le jour

Agroforesterie



Claude Henricot

Apival

Article publié dans L'Avenir BW.


Des arbres ... au milieu d’un champ

Le plus gros projet agroforestier jamais implanté en BW vient de voir le jour à Corbais : 140 arbres et 1800 arbustes sur 12 hectares de culture.

La moitié des espèces d’insectes sont en déclin dans le monde entier. La faute au changement climatique, au manque d’habitats pour les insectes, aux modes de production de l’alimentation utilisant les pesticides en grandes quantités. L’agriculture wallonne bouge, tirée vers le changement par quelques agriculteurs éco-novateurs. Claude Henricot, agriculteur à Mont-st-Guibert, en fait partie.

 

Une parcelle de 12 hectares d’un seul tenant, homogène, fertile, juste à côté de la ferme. Tout agriculteur en rêverait. Et pourtant, Claude Henricot, aidé par une entreprise spécialisée en agroforesterie, vient de planter 6 lignes d’arbres parallèles en plein milieu de cette parcelle.

« Je ne fais pas ça pour faire joli » 

explique l’exploitant agricole avec son sourire taquin. 

« Mon but est d’attirer les insectes auxiliaires 

dans les bandes d’herbes qui se développeront sous les arbres. J’espère aussi développer un réseau mycorhizien entre les arbres des différentes allées. » En gérant sa parcelle de la sorte, ses cultures seront protégées et nourries par la nature et il pourra diminuer les apports d’engrais et les pulvérisations de produits phytosanitaires.

Il a quand même fallu faire le grand saut. « C’est mon fils, Damien, qui a pensé à l’agroforesterie. Moi j’étais un peu gêné par mon esprit fermier. Des haies en bordure de champ, ça ne me gêne pas, mais en plein milieu, ça fait un peu mal au ventre. Mais il faut évoluer avec son temps ».  

Le projet de plantation a été élaboré avec Olivier Baudry, bioingénieur et expert forestier. Les six alignements d’arbres sont orientés dans le sens du travail de la parcelle, au plus près de l’axe Nord Sud afin de limiter l’ombre sur les cultures quand le soleil est au zénith. « On a calculé l’espace entre les lignes d’arbres comme des multiples de la largeur de mes machines » explique Claude Henricot. Les alignements sont ainsi espacés de 60 mètres. Chaque alignement comprend des grands arbres tous les 10 mètres, entre lesquels sont intercalées des haies.

« Je n’ai plus 20 ans », rappelle Claude Henricot, lucide. « Ces arbres seront pour mes petits-enfants. Moi je profiterai des haies et de la zone d’herbacées à leurs pieds ».


Repères

Autres projets d’agroforesterie en BW : Haut-Ittre, Gottechain, Beauvechain, Incourt, Ophain. Ordres de grandeur 5 hectares.

Coût total du projet à Corbais : 9500 €.

Subside à l’agroforesterie : 80%

Arbres bois d’œuvre plantés à Corbais : Noyer, Merisier, Aulne, Alisier terminal, Chêne sessile, Poirier commun, Erable plane

Arbres haies : Aubépine, Charme, Cornouiller, Eglantier, Bourdaine, Viorne aubier, Néflier, Cognassier, Erable champêtre, Framboisier, Groseillers rouge, noir et à maquereaux

Mycorhize : Champignon vivant en symbiose sur les racines de certains arbres et plantes. Il fournit des services (nutrition minérale, prévention des maladies) aux végétaux qui en échange lui procurent du sucre via la sève élaborée.

Insectes auxiliaires : Les gentils insectes qui mangent les méchants ravageurs des cultures.

 

En zone agricole ouverte, 50% des insectes auxiliaires peuvent réaliser leur cycle complet de reproduction. En présence d’une haie, ce % passe à 80%.

 

Réconcilier agriculteurs et apiculteurs

Le 22 janvier dernier, le cercle apicole APIVAL en collaboration avec le service environnement de la ville de Genappe organisait une conférence sur l’agroforesterie. Leur but était d’entamer un dialogue entre apiculteurs et agriculteurs avec en toile de fond, une technique qui peut apporter des solutions aux deux publics. Olivier Baudry, bioingénieur et expert forestier, créateur de l’entreprise de conseil en gestion forestière Dryades, était le conférencier du jour.

« Le développement d’arbres au sein ou en périphérie des parcelles agricoles apporte des bénéfices économiques à court et moyen termes », a détaillé Olivier Baudry. « A court-terme, l’effet brise-vent est souvent vérifié et contribue à augmenter le rendement de la culture, à protéger et à offrir des abris au bétail. A plus long-terme, la production de bois d’œuvre est parfois recherchée. Au sein de parcelles de grandes cultures, les alignements d’arbres espacés de 30 à plus de 60 m, bénéficient de la fertilité des terres, de l’éclairement disponible, et sont récoltables plus rapidement après 30 à 40 ans.

Les aspects écologiques et de fonctionnement de la parcelle agricole sont aussi améliorés grâce aux éléments ligneux. Fourniture d’abris et de corridors écologiques pour la faune, apport de carbone et d’humus sur les sols leur conférant une meilleure structure et une résistance au ruissellement, filtre à nitrates, élément de lutte contre les pucerons et autres insectes indésirables par l’accueil d’insectes auxiliaires des cultures ... sont quelques exemples d’atouts. En plus de ces atouts, l’agroforesterie contribue à stocker du carbone dans les sols, à long-terme et est donc une alliée pour la lutte contre les effets des changements du climat. »

Olivier Baudry insiste sur l’importance de réfléchir et de planifier son projet. « Analyses de sols, étude de faisabilité, intégration des aspects techniques de l’exploitation et des besoins des agriculteurs sont essentiels ! Il n’est pas question ici de reconstituer un bocage qui nuirait à l’intérêt agricole actuel mais bien d’offrir des outils complémentaires à l’activité agricole sur le long-terme.

Il y a donc lieu d’identifier les facteurs techniques et réglementaires essentiels à prendre en compte pour mener à bien un projet agroforestier. Enfin, il importe également de prendre en compte les éventuels freins techniques (semelle de labour, drains ...), légaux et réglementaires (bail à ferme, code du développement territorial) dans le projet car ceux-ci conditionnent le succès du projet. »

Et last but not least : la plantation de haies, d’arbres d’alignements et de vergers est largement subsidiée par la Wallonie !

www.dryades.be