L'agroécologie à l'université

L’agroécologie est mangée à toutes les sauces. Et finalement on ne sait plus ce qui en est ou n’en est pas. Chacun se dit pratiquer l’agroécologie dès qu’il fait un peu attention à l’environnement. Un certificat universitaire en agroécologie a vu le jour en Belgique il y a trois ans. Un des buts : "scientifiser" les approches intuitives développées sur le terrain par les agriculteurs. Une explication pratique de l'agroécologie et une interview du doyen de la fac d'agro de l'UCLouvain, Philippe Baret : c'est paru dans L'avenir BW et téléchargeable sur ce blog
 

Le premier cours de la nouvelle mouture du tout récent certificat en agroécologie s’est tenu ce vendredi 10 février 2017 à Louvain-la-Neuve.

Depuis la sortie du film « Demain » et le rapport de 2011 du belge Olivier Deschutter décrétant l’agroécologie comme LA solution pour alimenter durablement la planète, les initiatives foisonnent de toute part. L’agroécologie est mangée à toutes les sauces. Et finalement on ne sait plus ce qui en est on n’en est pas. Chacun se dit pratiquer l’agroécologie dès qu’il fait un peu attention à l’environnement.

Historiquement, c’est en Amérique latine que naît l’agroécologie. Nous sommes dans les années ’70, la révolution verte du vingtième siècle est à son apogée, les rendements sont au plus haut, la mécanisation et l’utilisation des engrais et des pesticides sont au cœur du système agricole. Mais on commence tout doucement à se rendre compte que ce système a des impacts sur l’environnement, qu’il épuise les ressources et que malgré toutes ses promesses, la faim dans le monde existe encore. Les inégalités se creusent. Un agronome chilien du nom de Miguel Altieri, issu du monde des ONG et professeur d’agronomie en Californie, lance alors une critique du système agricole en cours. Il ne se contente pas de critiquer, il émet également des propositions concrètes englobées sous le terme d’agroécologie. « L’agroécologie est l’application de l’écologie à l’agriculture » écrit Altieri. Les grands principes : recycler les matières végétales, prendre soin du sol, éviter les pertes de ressources, amplifier les services de la nature, favoriser la diversité des espèces et last but not least assurer aux agriculteurs une autonomie financière.

Jeune doyen de la faculté des bioingénieurs

Philippe Baret est co-fondateur du certificat en agroécologie avec le professeur Pierre Stassart del’ULg à Arlon.

« Ce certificat correspond à une demande des étudiants qui souhaitent davantage d’ouverture et d’interdisciplinarité. Il a été créé en septembre 2013 par les chercheurs du groupe GIRAF. L’idée est de proposer une formation de niveau universitaire, alliant les sciences exactes et les sciences humaines. Ce certificat a pour vocation de former les futurs acteurs de la transition. Continuer le modèle agricole actuel est insoutenable, il faut changer de modèle. Il existe déjà des agriculteurs qui font mieux mais ils sont ignorés du monde de la recherche. Mon optique est que l’université s’intéresse à ces pratiques et devienne partenaire de ces nouveaux agriculteurs ».

Ingénieur agronome, docteur en génétique et doyen de la faculté des bioingénieurs de Louvain, cet ottintois, père de trois enfants ne mâche pas ses mots face aux étudiants. Il suscite les débats et les discussions d’entrée de jeu en annonçant que le film « Demain » est rempli d’erreurs et qu’il est irrespectueux de la profession agricole. La ferme du Bec Hellouin en Normandie, reconnue pour ses nouvelles méthodes de permaculture n’est pas non plus épargnée.

Une étudiante intervient « vous venez de démolir toutes mes croyances en 30 minutes ». « Ah déjà » répond le professeur Pierre Stassart, tout content que le résultat soit si rapide sur l’auditoire.

Un auditoire petit certes mais condensé, rempli d’adultes aux parcours professionnels déjà mûris et apportant des arguments solides et des questions pertinentes à nos deux professeurs. Ils viennent d’ONG, d’institutions publiques, de fédérations. Ils sont maraîchers en devenir, historiens, agronomes, politologues ou même médecin. Ils sont venus chercher du contenu, un cadre structuré et une légitimité afin d’intégrer le monde agricole d’aujourd’hui composé en quasi exclusive d’agriculteurs sur le terrain et d’ingénieurs agronomes dans les bureaux. Car oui, le monde agricole d’hier qui appartenait aux agriculteurs, est en pleine phase de transition vers le monde de demain dans lequel il s’intégrera : le système alimentaire. Celui-ci a trois composantes : le consommateur, le producteur et la distribution. Ces trois pôles devront composer avec une terre dont les ressources sont épuisables. L’agroécologie est la science qui pourra aider en ce sens.

 

Frédérique Hupin

 

Vite dit

GIRAF : Groupe Interdisciplinaire belge de Recherche en Agroécologie du FNRS. Il s’agit d’un groupe de contact composé de scientifiques provenant de trajectoires diversifiées. Ce groupe s’est donné pour mission de nourrir et de partager une réflexion sur l’agroécologie s’appuyant sur les interactions entre disciplines et entre acteurs. www.agroecologie.be