Prendre soin du sol diminue le changement climatique

Qui l'eut crû, il y a 20 ans quand fut lancé le premier numéro de la revue TCS (techniques culturales simplifiées), que l'on pourrait un jour en arriver à une telle conclusion ? 
Prendre soin du sol diminue l'impact de l'agriculture sur les changements climatiques !
Comment ? Je vous laisse le découvrir dans cet article "bilan" rédigé à l'occasion de la publication du numéro 100 de la revue TCS. #Agroecologie #4pour1000 #IPBES #GIEC #fairepleuvoir

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Techniques Culturales Simplifiées
Préserver son sol est la base de toute agriculture qui dure

De la préservation des sols ... à un impact environnemental plus global

Historiquement, c’est en Amérique latine que naissent chacune de leur côté l’agroécologie et l’agriculture de conservation des sols. Citons ici leurs précurseurs : Miguel Altieri et Carlos Crovetto. L’un provient du monde des ONG, l’autre provient du monde agricole. Aujourd’hui, leurs discours se rencontrent, et déjà à l’époque ils étaient sur la même longueur d’onde quant au principe de base qu’il fallait appliquer à l’agriculture : préserver le sol !

Nous sommes à la fin des années ’70,

la révolution verte du vingtième siècle est à son apogée, les rendements sont au plus haut, la mécanisation et l’utilisation des engrais et des pesticides sont au cœur du système agricole. Mais on commence tout doucement à se rendre compte que ce système a des impacts sur l’environnement, qu’il épuise les ressources et que malgré toutes ses promesses, la faim dans le monde existe encore.

Un agronome chilien du nom de Miguel Altieri, issu du monde des ONG et professeur d’agronomie en Californie, lance alors une critique du système agricole en cours. Il ne se contente pas de critiquer, il émet également des propositions concrètes englobées sous le terme d’agroécologie. « L’agroécologie est l’application de l’écologie à l’agriculture » écrit Altieri. Les grands principes : recycler les matières végétales, prendre soin du sol, éviter les pertes de ressources, amplifier les services rendus par la nature, favoriser la diversité des espèces et last but not least, assurer aux agriculteurs une autonomie financière.

C’est à la même époque qu’un agriculteur chilien, Carlos Crovetto, expérimente le semis direct. Il perfectionne cette technique sur son exploitation de Chequén (Chili). En 1996, il publie le livre de référence « Les fondements d’une agriculture durable ». En visionnaire reconnu, il explique comment il a réussi grâce au semis direct à recréer quelques centimètres de sol fertile essentiel à une agriculture durable. Très documenté, il s’appuie sur ses pratiques et ses résultats techniques, biologiques et environnementaux afin d’ouvrir de nouvelles perspectives en replaçant la matière organique des sols au centre des enjeux majeurs d’aujourd’hui.

Une des conférences qu’il a donnée en France pour l’association BASE en 2008 est sur le site www.agriculture-de-conservation.com/Conference-sur-le-semis-direct.html

« Tout ce que j’ai réalisé, c’est ma terre qui me l’a enseignée, grâce à ses leçons permanentes, tout au long de près de 50 ans de travail. Je suis fier de cet apprentissage quotidien, et j’observe avec joie comment notre travail a transformé peu à peu le sol érodé en collines vertes et productives qui aujourd’hui alimentent les hommes, embellissent le paysage et sont la promesse d’un futur meilleur » écrit-il dans l’introduction de son livre « Les Fondements d’une agriculture durable II » paru en France en 2008.

Les sols pour la sécurité alimentaire et le climat

Le TCS 88, avec l’interview de Claire Chenu, professeur à AgroParis Tech, consacre un article sur l’initiative française « 4 pour 1000 : les sols pour la sécurité alimentaire et le climat » présentée officiellement lors de la COP 21 fin 2015 à Paris. L’objectif est de montrer que l’agriculture, et en particulier les sols agricoles, peuvent jouer un rôle crucial pour la sécurité alimentaire et le changement climatique. Un site est dédié à cette initiative (www.4p1000.org). On y trouve une vidéo de 3’30 résumant l’idée :

« Les sols mondiaux contiennent 2 à 3 fois plus de carbone que l’atmosphère. Augmenter ce stock de carbone de 0,4 % par an ou de 4 pour 1000 dans les 30 à 40 premiers centimètres du sol permettrait de stopper l’augmentation de la quantité de CO2 dans l’atmosphère. »

L’idée est qu’accroître la quantité de carbone stockée durablement dans les sols via la photosynthèse par la biomasse végétale pourrait contribuer à diminuer le CO2 atmosphérique et par la suite l’augmentation de la température à la surface de la planète.

Présentée au niveau international, une quarantaine de pays ont signé cette initiative qui les engage à :

1)     favoriser un développement agricole qui intègre la mise en place de pratiques maintenant ou améliorant la teneur en carbone des sols ;

2)     évaluer la performance de ces pratiques et favoriser le lancement de programmes de recherche ;

3)     soutenir des programmes de formation et d’éducation ;

4)     partager tout ce qui est mis en œuvre par chacun au sein d’une plate-forme d’échange.

Notons que ces quatre points sont déjà mis en place depuis 20 ans chez les agriculteurs pratiquant l’agriculture de conservation par, entres autres, respectivement :

1)     les couverts et la réduction des profondeurs de travail du sol ;

2)     les innombrables essais mis en place par les agriculteurs au sein du réseau BASE et autres réseaux similaires de partage de connaissances agricoles ;

3)     l’organisation par ces même réseaux de visites de terrain, de conférences au champ et récemment par la création de formations digitales (site agriculture-de-conservation.com rubrique partenaires / Icosystème) ;

4)     les supports tels que la revue TCS et le site agriculture-de-conservation.com 

Trois ans après son lancement, les chercheurs de l'Initiative "4 pour 1000" se sont réunis à Sète les 7 et 8 novembre 2018. Les travaux menés lors de cet atelier ont mis en lumière l'intérêt d'inscrire le 4 pour 1000 dans le cadre plus global de l'agroécologie. A l’issue de leurs ateliers, ils ont déclaré que les enjeux de l’initiative "4 pour 1000" imposaient le financement immédiat par la France d’un programme scientifique ambitieux. Les chercheurs ont argumenté que pour éclairer et accompagner l’action, un effort de recherche théorique, expérimentale et participative était nécessaire. Ils ont également rappelé qu’intervenir sur la dynamique du carbone dans les sols, c’est intervenir sur des systèmes complexes et diversifiés. Cela nécessite la prise en considération des savoirs locaux des acteurs de terrain, mais également la mobilisation d’une large expertise scientifique (pédologie, agronomie, écologie, anthropologie, économie, géographie, sociologie, droit et sciences politiques, climatologie) dans une démarche interdisciplinaire qui hybride les savoirs des chercheurs à ceux des acteurs de terrain.

 

Des pistes d’actions déterminantes pour la réduction des gaz à effets de serre en agriculture

Une étude multidisciplinaire pilotée par l’INRA (Institut National français de la Recherche Agronomique) a fait le tour des actions qui peuvent être mises en œuvre en agriculture sur base des connaissances scientifiques les plus récentes. Le rapport de l’INRA « Quelle contribution de l’agriculture française à la réduction des émissions de gaz à effet de serre » est disponible dans la section « Supports / Documents » du site agriculture-de-conservation.com et sur le site de l’INRA.

Cette étude publiée en 2013 a relevé 35 mesures envisageables et sélectionné les dix prioritaires.

Ces dix actions (voir figure ci-dessous) ont fait l’objet d’un travail collectif approfondi (niveau d’atténuation, coût, ...). La plupart n’entraîne pas de baisse de production. Elles ont toutes un effet potentiel d’atténuation entaché d’une plus ou moins grande incertitude. Les estimations ont été réalisées sur base de valeurs de référence disponibles dans la littérature scientifique et technique spécifique.  

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Faire pleuvoir localement

Une nouvelle pièce s’ajoute au puzzle de l’agriculture de conservation, celle de l’impact sur le climat local : et si on pouvait faire pleuvoir sur nos champs ?

Dans le TCS 84, l’article « Une autre théorie du climat », met en lumière une publication de chercheurs slovaques de 2007. Cette synthèse de recherches établit un lien entre le cycle de l’eau et les perturbations climatiques et amène de fil en aiguille à la conclusion qu’il faut faire pousser des végétaux pour qu’il pleuve !

Mais d’où vient la pluie ? Tout le monde l’a vu à l’école lors de l’étude du cycle de l’eau : la pluie provient de l’eau des océans qui s’est évaporée sous l’action du soleil et a formé des nuages. Ces derniers, transportés par les vents, arrivent au-dessus des continents, se refroidissent et déversent leur flot de pluie. L’eau rejoint ensuite soit les nappes phréatiques en s’infiltrant à travers les sols, soit elle ruisselle et rejoint les rivières, les fleuves, la mer puis retour à la case départ dans l’océan. Mais la pluie n’arrive pas toujours à l’endroit où on en aurait le plus besoin, elle tombe aussi sur des surfaces imperméabilisées.  Elle n’arrive pas non plus au moment où on en aurait besoin ni dans des quantités facilement absorbables par les champs. Les changements climatiques sont à l’origine de l’intensification des phénomènes météorologiques. Plutôt que d’avoir de petites pluies fréquentes, ce sont de gros orages qui s’abattent sur nous. Si le sol n’est pas apte à recevoir cette eau, la suite est connue : inondations et coulées de boues. Et c’est là que l’article développé dans le TCS 84 apporte un nouvel angle de vue.

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Des agriculteurs changent le climat

Après ce constat théorique relaté dans le TCS 84 que l’on peut faire pleuvoir localement, l’édito du TCS 99, nous rapporte des constats pratiques de terrain appuyant cette théorie. La chercheuse Ellen Stuart-Haëntjens a mis en évidence une inversion de tendance des températures dans une région agricole du Nord de l’Amérique. Pour ce faire, elle a compilé plusieurs recherches dont celle des américains Tobias Gerken et Paul Stoy publiée en 2017. On peut observer sur la carte ci-contre dans la zone bleu clair que les températures maximales journalières ont baissé en moyenne de 0,1°C décade, ce qui donne près de 0,5°C sur 45 ans (0,2°F x facteur de conversion 0,56 x 4,5 décades) alors que dans le reste des USA, les tendances des températures sont toutes à la hausse.

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Conclusion : ce qu’il reste à faire

L’agriculture de conservation des sols l’a bien compris, chaque jour de soleil doit être capté, ce sera tout gain pour lutter contre le changement climatique. Augmenter le carbone dans le sol, augmenter l’évapotranspiration et avec elle l’eau qui retombera sur les champs et qui pourra être captée sans ruisseler. En bref : faisons la chasse au sol nu !

Et donc, « ce qu’il reste à faire », c’est une couverture permanente afin de maximiser l’évapotranspiration et la pompe à carbone. Par couverture permanente on entend bien sûr les couvertures hivernales mais aussi les cultures de rente, aidées par l’outil du semis direct, les intercultures courtes d’été, les couverts à durée indéterminée, les plantes compagnes, les cultures associées, et également l’agroforesterie. Et tout cela en agissant à une échelle locale, par spots sur lesquels l’ensemble des terres d’un territoire agricole sont couvertes en permanence. 

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